La collectivité royale de Djigbé-Dokon de la vallée de l’Ouémé, réclame le retour des biens pillés pendant la période de la traite négrière

Appel au retour des objets sacrés. La collectivité BOSSIKPON du royaume de DJIGBE-DOKON sis désormais dans la vallée de Wémè, réclame le retour immédiat des objets sacrés qui leur ont été pillés par des négriers pendant l’esclavage transatlantique et qui résident encore sur le territoire national du Bénin. C’est bien la substance de l’entrevue qui a eu lieu ce jeudi 9 novembre 2017 dans la salle polyvalente de la cour royale de Djigbé située dans l’enceinte du couvent ancestral de la divinité régionale et clanique BOSSIKPON.

Durant plusieurs heures, des autorités traditionnelles, notamment des chefs de cultes endogènes venus de plusieurs villages et anciens royaumes de Wémè ont essayé de faire l’état des lieux des objets sacrés qui leur ont été arrachés lors de la capture et la déportation de milliers de leurs ancêtres pour un monde inconnu.

Selon l’histoire, le royaume de Djigbé-Dokon fondé vers 1700 a été la cible de plusieurs attaques négrières compte tenu de ses affinités princières avec Yakpassa Koplu (1650 -1709), roi de Wémè lui qui a conquis et triomphé successivement de l’armée de Houégbéadja (1645-1685) et de celle d’Akaba (1685-1708), tous deux chefs de guerre au service des marchands britanniques qui avaient établi leur comptoir sur le territoire d’Oba-Dan, plus tard Danxomin.

appel au retour des objets sacrés
Accueil du roi

Appel au retour des objets sacrés énoncés

DAH AYISSÖ est chef de culte Odoudoua et représentant du collectif des patriarches de la collectivité Annanou Dokonnu de l’aire culturelle et cultuelle (Adja-Tado, Ké, Hun et Oyö). Pour lui,

la liste des ancêtres et celle des patrimoines cultuels emportés par des envahisseurs au cours des attaques récurrentes de Dossou Agadja (1709-1740) sont exhaustives et à défaut de rattacher les liens avec la descendance des ancêtres esclavagisés on peut bien se contenter de récupérer des objets sacrés et cultuels pillés par des guerriers Aboméens.

Cet appel au retour des objets sacrés concerne entre autre :

  • la calebasse en or de la divinité Nïnsou (Ninsou zin)
  • la couronne cultuelle en perle de cuivre (Jêgbakun) du roi Ké Holou Agagnon II
  • les trois têtes de bélier en or (Sika-Manguë) de la divinité Bahou
  • le trône de Zoungba en bois d’Iroko
  • les instruments de musique royale (Adjogan) en cuivre
  • sans oublier les colliers sacrés
  • et surtout l’épée magique en or que le roi Ifê d’Oyö avait offert à Yahassa quand il était guerrier dans son armée royale

Dans peu de temps, nous allons introniser un nouveau roi sur le trône de Ganwa fondateur de Djigbé-Dokon et ne pas exiger et récupérer tout au moins des objets sacrés des divinités Ninsou et Bossikpon qui sont gardés, adoptés et vénérés par des chefferies traditionnelles de l’actuel royaume d’Abomey, serait une manière de gommer d’importantes pages d’histoire en respectant l’état de droit de la république du Bénin.

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Dah Ayissö, Chef de culte Odoudoua, Représentant des patriarches du Clan royal Digbé DOKON de l’aire Culturelle et cultuelle Adja-Tado, Ké, Hun et Oyö

Pour compléter son aîné, Agbodo Baba, l’actuel chef de la divinité Ninsou du Bénin, exhorte respectueusement les autorités traditionnelles d’Abomey et de Ouidah à rendre ces objets sacrés en guise de réparations morale et civique des crimes de l’esclavage dont leurs ancêtres ont été malencontreusement complices, par incident majeur.

On n’assoit pas un royaume sur la croyance volée ou des patrimoines arrachés comme trophées à un autre peuple. Et si même les Yovo c’est-à-dire les occidentaux vous ont conduit dans cette erreur parce qu’ils cherchaient sur place des remèdes pour épargner aux captifs arrachés les conséquences psycho-traumatiques de la rupture de leurs pactes cultuels, aujourd’hui aucun d’eux n’est plus présent sur le territoire, ils nous ont laissés seuls en face des dégâts et nous pouvons nous reconstruire facilement si nous prenons conscience de ce sort tragique dont l’existence de tout le peuple noir a été victime.

Allant mettre un terme à son allocution, le père des jarres magiques de la vallée de l’Ouémé a également précisé :

qu’une grande partie des objets sacrés revendiqués se trouvent à Abomey et à Ouidah où ils sont cultuellement adoptés mais vénérés de façon inappropriée.

Appel au retour des objets sacrés
Agbodo BABA, Chef de culte sur le trône de la divinité NINSOU dans la vallée de l’Ouémé

Robert NINSOUNON est l’un des plus anciens du royaume. Il est l’arrière-petit-fils de NINSOUNON Ahouanzé, chef de culte de la divinité Ninsou dont les autels ont été déplacés par l’usage de la force de Djigbé-Dokon (Wémè) et transférés brutalement à Abomey et Ouidah.

Le récit de l’arrachement et de la capture de notre ancêtre nous a été raconté douloureusement par notre feu grand-père. C’était dans ses derniers jours, il n’avait plus la force de se lever à la suite d’une courte maladie à l’origine de laquelle trois oracles géomanciens avaient soupçonné le mauvais usage des objets sacrés de cette divinité emmenés par des noirs auxiliaires des négriers européens.

A la question : Pouvez vous encore vénérez cette divinité comme il se doit ? le patriarche répond :

C’est notre chose et nos ancêtres ont vécu les aléas climatiques de leurs temps grâce à l’apport de cette divinité jusqu’à nos pères qui nous ont donné la vie à leur tour, mais dans un état de détresse complète où tout leur était enlevé, surtout ces divinités qui leur assuraient l’espoir de vivre moins de tragédies au cours de leur vie. La divinité Ninsou (roi des forces et maladie des eaux) assure la protection contre les maladies contagieuses qui viennent souvent par la voie des eaux. Et nos ancêtres ont bénéficié des secrets de cette divinité aussi appelée Toxossou, moyennant un pacte dont la rupture ou le non respect pourrait entraîner des cas de suicide ; et j’ai connu plusieurs de ces cas depuis ma naissance jusqu’à nos jours

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Robert NINSOUNON, arrière-petit-fils de NINSOUNON Ahouanzé

Soutenant les propos des premiers intervenants, Ké-Holou Agagnon, roi sur l’un des plus anciens trônes de la sous-région qui appartient désormais aux clans internationaux de Kévié ou Chévié du Bénin, Togo et du Nigéria, achève la séance par un appel pressant à l’opinion nationale et internationale avant l’enclenchement des procédures juridiques, cultuelles ou traditionnelles qui prendront effet dès le premier moi de la nouvelle année.

Pour finir, le roi Ké-Holou III, Adé-Tundji justifie encore autrement cet appel au retour des objets sacrés au sein des collectivités d’origine :

le mauvais usage de ces divinités pourrait entraîner de nombreuses conséquences néfastes sur le bien être social du peuple béninois en particulier de même que sur sa diaspora historique

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Ke-holou Agagnon III, Roi des Chevié et Kénou de l’aire Culturelle et cultuelle Adja-Tado, Ké, Hun et Oyö du Bénin, Togo et du Nigeria

Appel à la raison et au consensus des représentants politiques, religieux et associatifs des peuples noirs esclavagisés

Faut-il rappeler que les négriers occidentaux se sont abusivement servis des Ashantis qu’ils ont capturé sur la côte de l’Or (Ghana) dans les razzias contre les noirs de l’actuelle région du Golfe de Guinée qui regroupe des pays tels que : le Togo, le Bénin et Gbadagri devenu aujourd’hui une partie du Nigéria.

A le croire, Bossikpon et Ninsou sont deux grandes divinités ancestrales du XIVe siècle assurent le bien être social et la protection des citoyens l’aire culturelle et cultuelle (Adja-Tado, Ké, Hun et Oyö) contre des cas de suicides et de morts juvéniles les plus souvent entraînées par la méconnaissance des règles de la Nature par les hommes. A noter qu’au sein de l’aire culturelle et cultuelle Adja-Tado, Ké, Hun et Oyö aujourd’hui scindée en trois pays coloniaux à savoir : le Bénin, le Togo et le Nigéria, la divinité BOSSIKPON, fils de Sakpata, lui, père des dieux souterrains, assurent efficacement la protection de la descendance du clan “Annanouvi Dokonnu“, contre les maladies et les fléaux terrestres à savoir, la variole, l’abcès, l’angine et toutes autres formes de cancer susceptible de porter une atteinte farouche à la croissance démocratique.

Rappelons que les négriers européens se servaient des Ashanti esclavagisés depuis les côtes de l’actuel Ghana pour organiser le pillage des royaumes des côtes de l’aire culturelle et cultuelle (Adja-Tado, Ké, Hun et Ifangni d’Oyö) subdivisée aujourd’hui en trois états colonisés dont le Bénin, le Togo et Gbadagri, une cité appartenant désormais de la république du Nigéria. Notez qu’une minute de silence a été observé en mémoire des ancêtres déportés et des filles et fils morts pour la liberté de l’Afrique noire.