Le culte des ancêtres et la tradition orale dahoméenne apportent leur pierre à l’édifice.

Dans l’ouvrage Les noms de famille d’origine africaine de la population martiniquaise d’ascendance servile (Paris, l’Harmattan, 2002, 354 pages), Guillaume DURAND et Kinvi LOGOSSAH apportent une réponse vraiment intéressante quant à la survivance non seulement, de noms africains dans une société esclavagiste, mais aussi de bribes de cultures indigènes qui existent toujours depuis l’abolition de l’esclavage en 1848. Le travail des auteurs prend sa source dans les archives administratives de l’ex-colonie martiniquaise avec le dépouillement des actes d’individualité des esclaves rendus à la liberté le 23 mai 1848 en tant que citoyens français. Leur humanité n’étant plus niée, les numéros de matricules des esclaves sont abandonnés au profit d’un nom de famille qu’ils devaient déclarer à l’état civil. Une partie d’entre ces esclaves avaient gardé le souvenir d’un nom africain transmis par un ou une aïeule. Certains même étaient nés en Afrique avant d’être capturés, vendus puis envoyés en esclavage de l’autre côté de l’Atlantique quelques années avant l’abolition, et donc finalement libérés. Ainsi, certains esclaves avaient un vécu africain dont le souvenir aura pu jouer un rôle (comme une réparation identitaire) dans le choix d’un nom : le nom d’une collectivité ou d’un lieu, un prénom ou un surnom, le nom d’une personne influente dans la famille ou dans la société d’origine, etc.

Le pont jeté par G. DURAND et K. LOGOSSAH entre les Antilles et l’Afrique se construit donc depuis le côté ouest de l’Atlantique en s’appuyant sur les archives françaises. Mais à l’est aussi, les sources africaines offrent une belle perspective grâce aux travaux que nous avons réalisés à partir de la tradition orale, du panégyrique clanique et du culte des ancêtres. Pendant que les descendants des esclaves se demandent qui étaient leurs aïeux, les sociétés africaines frappées par l’esclavage ont gardé le souvenir de leurs disparus jusqu’à ce jour sans avoir jamais su ce qu’ils étaient devenus. L’intérêt de ce pont est donc partagé par chacun des pays concernés par la traite transatlantique, dans notre cas le Bénin et les Antilles françaises.

Le résultat de nos travaux est consultable sur ce site avec l’onglet “Base de données”.

Bonne visite.